L'indemnisation du préjudice corporel en cas d'impossibilité totale de travailler

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Lorsque l’impossibilité de travailler est constatée, l’indemnisation du préjudice de la victime privée de sa vie professionnelle ne saurait s’arrêter à celle des pertes de gains.

« Deux situations doivent alors être envisagées et un complément prévu au titre de l’incidence professionnelle.


  • Le préjudice de carrière :
Les pertes de gains professionnels futurs sont calculées à partir du dernier revenu avant l’accident revalorisé à la date de la décision.

Or, plusieurs éléments du fait de cette technique ne sont pas pris en compte.

Ainsi, cette revalorisation, calculée en fonction de l’argumentation du coût de la vie, ne prend en compte ni la progression des revenus liée à l’ancienneté, ni la promotion qui aurait pu intervenir après l’accident.

L’indemnisation de ce différentiel doit être prise en compte au titre de l’incidence professionnelle, et ce, en plus des pertes de revenus indemnisées par le poste PGPF.

A cette fin, il conviendra de prendre en compte tous les éléments permettant de démonter les chances réelles et sérieuses d’évolution de carrière : attestation de l’employeur, statistiques professionnelles, carrière réalisée par les collègues en position comparable avant l’accident, justificatif de l’évolution de carrière du blessé avant l’accident (bulletins de salaires successifs, avenants au contrat de travail, inscriptions aux formations ou aux concours professionnels antérieures à l’accident, sélection par un cabinet de recrutement…).

Pour chiffrer ce préjudice de carrière, il convient de se référer au revenu maximum qu’aurait pu espérer la victime si sa carrière s’était déroulée dans de bonnes conditions. De ce revenu maximal doit être retranché le revenu déjà indemnisé au titre du poste PGPF pour faire apparaître un simple différentiel.

Celui-ci une fois établi, il convient de lui affecter un pourcentage de perte de chance pour tenir compte de l’incertitude qui affecte nécessairement le projet de carrière.

Aucune règle ne peut ici être posée quant au pourcentage à retenir, chaque cas relevant des circonstances d’espèce.


  • Le préjudice lié à l’état d’inactivité totale :
Il s’agit ici du préjudice résultant de l’exclusion du monde du travail.

L’incidence professionnelle consiste ici dans l’inactivité forcée.

Les critères d’évaluation sont multiples :

  • L’âge de la victime (être privé dès l’âge de trente ans de toute possibilité de se construire au travers de son activité professionnelle est différent de la situation du travailleur qui a pu s’y épanouir tout au long de sa vie) ;
  • L’investissement mis dans l’accès au travail auquel il faut renoncer (années d’études, difficultés, expérience acquise…) ;
  • Son vécu professionnel (intérêt subjectif du travail précédemment effectué, milieu socioprofessionnel fréquenté, implication au sein du monde du travail) ;
  • Ses potentialités antérieures à l’accident ;
  • L’ampleur du handicap ;
  • Le degré de frustration généré par les tentatives inopérantes de s’intégrer dans le milieu du travail ;
  • La fréquentation ou non d’un milieu social de remplacement (bénévolat), etc.


Le juge pourra notamment se fonder sur des attestations précises et notamment de l’employeur décrivent l’investissement de son ancien salarié et l’importance de son travail pour ce dernier.

Des attestations des collègues de travail ou des membres de la famille constituent également des moyens de preuve.

Un débat existe sur la pertinence même de ce poste, certains acteurs de l’indemnisation considérant que l’inactivité ne peut constituer un préjudice et qu’un cas d’impossibilité de travailler, seules les pertes de gains et de carrière peuvent être indemnisées.

A l’opposé, les conseils de victimes insistent sur l’exclusion et parfois même la déchéance sociale liée à l’inactivité forcée.

Ce débat est encore trop récent pour que nous puissions ici en donner la traduction jurisprudentielle.

En tout état de cause, la reconnaissance d’un préjudice de désœuvrement devra passer par un effort de clarté et de démonstration de la part des demandeurs du fait de sa relative nouveauté et de l’importance des enjeux.

Quant au chiffrage de l’indemnité, il est certain que ce poste de préjudice évoque, par sa dimension personnelle, l’indemnisation de certains postes extrapatrimoniaux et qu’on pourrait être tenté de reprendre les sommes allouées par exemple pour des souffrances endurées importantes.

Mais, dans la mesure où il concerne l’activité professionnelle, le désœuvrement compte ici une dimension patrimoniale qui devrait également être prise en compte. » (*)

En toute hypothèse, il convient d’être assisté d’un avocat habitué à ce type de dossier pour obtenir une juste indemnisation de l’ensemble des postes de préjudice.



* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis